Exposition
“Topographies sensibles”

à la galerie
du 19 janvier au 12 février 2023

– Téo Becher & Solal Israel
– Bertrand Cavalier
– Lucas Castel & Mathilde Mahoudeau
– Alice Pallot
Commissariat : Ariane Skoda

Vernissage mercredi 18 janvier à partir de 18h

Dans ces temps troublés, à l’ère de l’Anthropocène et du Capitalocène, la notion de l’habitabilité même de notre planète pose question et ce notamment à l’aune d’enjeux mondiaux comme l’urbanisation convulsive de la planète et l’exploitation extractiviste et prédatrice de la nature envisagée comme une ressource exploitable à l’infini. Aux questions sous-tendues par le contexte dans lequel nous sommes comme empêtré.e.s en résonne une fondamentale, à savoir : quelle humanité voulons-nous être ?

L’exposition Topographies sensibles réunit six photographes, Téo Becher & Solal Israel, Bertrand Cavalier, Lucas Castel & Mathilde Mahoudeau et Alice Pallot, dont les travaux, hétérogènes par leur approche, ont en commun d’interroger notre relation ambivalente à l’environnement. Iels convoquent aussi chacun.e à leur façon le sensible ou sollicitent d’une façon ou d’une autre notre réceptivité à des enjeux notoires ou plus invisibles. Iels nous amènent à appréhender des réalités silencieuses et cachées.

Topographies sensibles - Galerie Talmart

L’occupation du Centre de la Galerie Talmart sera prolongée par une seconde exposition Photographie & image en mouvement
ATLAS Chimérique – commissariat : Sara Anedda
– du 17 février au 17 mars 2023

De la matérialité physique de sols en béton, de murs en briques, d’objets en plastique capturée par Bertrand Cavalier dans des villes indéfinies dont l’apparente solidité dévoile des failles valorisées comme une qualité urbanistique à la beauté trouble de la nature de la vallée d’un village sinistré des Pyrénées, saisie par Lucas Castel et Mathilde Mahoudeau, confronté à la possible ré-ouverture d’un site minier. De « sublimes » paysages commémorant le souvenir d’un événement particulièrement traumatique de personnes frappées par la foudre aux portraits de ces fulguré.es révélés par Téo Becher & Solal Israel à la découverte d’un surprenant désert belge, le Sahara de Lommel, terre polluée mais résiliente dévoilée par Alice Pallot.

Deuxième saison, 2021 © Lucas Castel et Mathilde Mahoudeau
Chacun.e des photographes se saisit du réel, questionne les limites du sensible, fait appel à nos sens, bouscule nos habitudes de perception, convoque la poésie, faisant effleurer en nous des émotions, des sensations et contribue à faire surgir les épiphanies d’un nouveau monde sensible. Si leurs approches photographiques s’enracinent dans une veine « documentaire », elles tissent autant de narrations à visée plus fictionnelle, faisant éclore de nouvelles mythologies du paysage. Si le document sert d’appui, il nourrit également une réflexion sur le médium, sur le processus qui le sous-tend, approfondissant certaines problématiques touchant à la physicalité de la photographie, des audaces dans l’expérimentation.

En révélant la portée et les incertitudes de nos milieux de vie, en évoquant des formes possibles de résilience, en mettant en exergue une relation d’interdépendance entre le paysage et l’activité humaine plutôt que d’opposition, et par leur traitement poétique des images, par leur engagement dans le présent, les photographes exposé.es contribuent à ouvrir des voies possibles de réenchantement du monde, à façonner des futurs plus propices à la vie, à renouer les alliances et coopérations entre les vivants, humains et non-humains, dans une palingénésie de recommencement, nous invitant à nourrir de nouvelles utopies, de nouvelles luttes. Une invitation à la persévérance, à changer d’histoire.

Les zones qu’iels nous font découvrir peuvent être considérées « sensibles » comme la vallée du village de Salau dans les Pyrénées capturée par Lucas Castel & Mathilde Mahoudeau, en proie à des problématiques économiques et écologiques où la possible réouverture d’une mine de tungstène met en lumière un conflit plus global au cœur duquel s’affrontent deux visions du territoire : entre natifs de la région et néo-ruraux, entre pro-emplois et écologistes. Un conflit local qui fait écho à plusieurs combats similaires en France et ailleurs dans le monde. Leur travail nous alerte sur le triste déclin de certaines zones rurales, sinistrées mais aussi dévastées sur le plan écologique. Les tirages exposés sont axés sur la nature de la vallée, capturant sa beauté âpre, quasi picturale et révélant sa fragilité, l’impact de l’exploitation minière passée et la menace de la relance de la mine pesant sur cet éco-système.

D’autres paysages porteurs d’identités mémorielles convoquent des tragédies collectives comme ceux photographiés par Téo Becher & Solal Israel qui font écho au drame éprouvant de personnes fulguré.es, à Azerailles, dans un rapport au territoire plus intimiste et commémoratif. Un témoignage sur un phénomène rare invisibilisé, la fulguration, dont on ne mesure pas assez les séquelles durables. Une invisibilisation à laquelle les artistes répondent par l’expérimentation du médium jusqu’à sa propre illisibilité.

Si les tirages de Lucas Castel & Mathilde Mahoudeau nous confrontent à la destruction de la terre, occasionnée par les activités anthropiques, et au corollaire de sa nécessaire protection, la série de Téo Becher & Solal Israel nous rappellent la toute-puissance de la nature, son imprévisibilité, la force redoutable de certains de ses phénomènes. Certaines de leurs images ne sont pas sans évoquer la notion de sublime chère à Kant. « Dans la représentation du sublime de la nature l’esprit se sent ému, tandis que dans ses jugements esthétiques sur le beau de la nature il reste dans une calme contemplation. Cette émotion est comme un ébranlement dans lequel nous tous sentons alternativement et rapidement attirés et repoussés par le même objet. »

Les fulguré·es, 2020 © Téo Becher & Solal Israel

D’autres photographes de cette exposition mettent en exergue des réalités plus ordinaires et banalisées mais qui questionnent tout autant notre rapport à l’environnement.

Ainsi, Bertrand Cavalier catalyse notre attention sur la matérialité vivante d’éléments triviaux saisis par son objectif dans l’espace public urbain. De l’âpreté des matériaux de construction aux objets incongrus, précaires, traces d’activité humaine, dont il nous révèle l’étrange présence. Des objets qui sont comme agentifs, comme animés, nous révélant leur drôlatique empreinte… En nous reconnectant à nos sens, il nous invite à entrer en empathie avec eux, dans leurs propriétés ontologiques que des courants de pensée comme le techno-animisme nous ont amenés à considérer dans une approche plus inclusive du monde.

Ces cadrages resserrés tissent une trame narrative qui témoigne de notre appropriation singulière des aspérités d’une ville. Il nous amène à nous rapprocher de cette urbanité, à ressentir son âme, ses faiblesses, comme un désaveu de son « indestructibilité » et nous donne à percevoir ses revers comme une valeur de son urbanisme.

Permanent Concern, 2021 © Bertrand Cavalier

À l’opposé de cet urbanisme inexorable, d’un monde matériel, d’objets, pouvant susciter des envies de sortir du béton, d’échappées vers de grands « spaces naturels », Alice Pallot met en lumière le Sahara de Lommel, qu’elle a découvert pendant le confinement, lors d’une journée d’agrément avec ses ami.es. Ce territoire sableux pollué par l’industrie du zinc a été transformé en forêt de pins grâce aux propriétés symbiotiques d’un champignon naturellement présent dans les sols, métaphore d’une possible reconstruction. Loin de dresser le portrait d’un monde désenchanté, elle dévoile une jeunesse faisant corps avec la nature, happée par sa beauté. Ce documentaire sensible, qui met en avant les transformations d’un paysage, se double d’un récit science-fictionnel, nous plongeant dans l’intériorité et rêverie des protagonistes.

Ariane Skoda

Suillus, Looking at the sun with closed eyelids, 2020 © Alice Pallot

CWB Paris

Direction Stéphanie Pécourt

Loin de constituer un mausolée qui contribuerait à la canonisation de l’héritage patrimonial de la culture belge francophone, le Centre est un catalyseur situé de référence de la création contemporaine dite belge et de l’écosystème artistique dans sa transversalité.
Au travers d’une programmation résolument désanctuarisante et transdisciplinaire, le Centre est mandaté pour diffuser et valoriser des signatures d’artistes basé·e·s en Fédération Wallonie Bruxelles. Il assure ainsi la promotion des talents émergents ou confirmés, du périphérique au consacré. Il contribue à stimuler les coproductions et partenariats internationaux et à cristalliser une attention en faveur de la scène dite belge.

Le Centre dévoile, par saison, des démarches artistiques qui attestent de l’irréductibilité à un dénominateur commun des territoires poreux de création contemporaine. Situé dans le 4 arrondissement de Paris, sa programmation se déploie sur plus de 1000 m2. Îlot offshore, outre la programmation qu’il déploie en In-Situ, il implémente également des programmations en Hors-les-Murs et investi le Cyberespace comme territoire de création et de propagation avec des contenus dédiés.

Le Centre est un service décentralisé de Wallo- nie-Bruxelles International (WBI) : instrument de la politique internationale menée par la Wallonie, la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Commission communautaire française de la Région de Bruxelles Capitale.

cwb.fr