Topographies sensibles Galerie Talmart CWB Paris

Téo Becher & Solal Israel

Une personne est dite fulgurée lorsqu’elle est frappée par la foudre, sans en mourir. À l’inverse, le terme ‘foudroiement’ implique la mort, généralement sur le coup.
Le 2 septembre 2017, un groupe d’une quinzaine de personnes fut frappé par la foudre lors d’un festival à Azerailles en Meurthe-et-Moselle.
Elles furent toutes fulgurées et firent face à des séquelles très diverses, allant de paralysies temporaires ou pertes de mémoire à des troubles du sommeil ou même la capacité surprenante à exécuter des calculs mathématiques complexes en un temps très rapide.
Téo Becher & Solal Israel ont rencontré ces personnes, en leur proposant de réaliser un portrait, puis de photographier un détail de l’endroit où la foudre a frappé leur corps et enfin un objet important en relation à cet événement.
Leur « documentaire poétique » se double d’une démarche résolument artistique.

Notre travail s’inspire de la photographie documentaire et s’attache à raconter une histoire selon un angle particulier, en y ajoutant une démarche expérimentale qui appuie notre propos. L’idée ici était alors de parvenir à représenter ce phénomène complexe qu’est la fulguration, à suggérer un niveau de lecture différent de celui basé uniquement sur les faits et du traitement sensationnaliste déjà effectué par différents médias. Scientifiquement, il est encore difficile pour les médecins d’expliquer clairement ce qui se passe chez une personne frappée par la foudre ; il était donc nécessaire pour nous de développer une autre forme de récit pour investiguer cette représentation.
Dans notre démarche, il s’agit davantage de suggérer que de montrer et les différentes expérimentations que nous développons nous aident à complexifier notre propos. Ainsi, travailler avec des films périmés, les développer nous-mêmes ou encore utiliser du papier négatif couleur directement dans l’appareil, nous rend réceptifs à certaines altérations voire erreurs photographiques qui viennent dialoguer avec les différents troubles neuronaux que certain·e·s fulguré·es ont pu subir. Nous photographions avec une chambre photographique, ce qui nous permet de poser notre regard et de construire chaque image à deux, délaissant ainsi la notion d’auteur à titre individuel.

Téo Becher & Solal Israel

Téo Becher (1991) vit et travaille à Bruxelles. Il est titulaire d’un baccalauréat de photographie obtenu à l’École Supérieure des Arts de l’image LE 75 Le Septante-Cinq à Bruxelles (2011-2014) et d’un master en photographie du KASK à Anvers (2018-2020).
Dans son travail, la relation à un territoire précis et défini est primordiale car c’est au travers de celui-ci que ses images développent leur pouvoir narratif ainsi que leur faculté à créer des ambiances et nourrir l’imaginaire du spectateur·rice. En parallèle, l’aspect direct et physique de la photographie argentique lui permet au mieux d’aborder les territoires et thématiques qui l’intéressent, approfondissant certaines problématiques touchant à la physicalité de la photographie et à sa composante chimique.

teobecher.be

Solal Israel (1993) vit et travaille à Bruxelles. Il est titulaire d’un baccalauréat de photographie obtenu à l’École Supérieure des Arts de l’image LE 75 Le Septante-Cinq à Bruxelles (2011-2014). Sa démarche entreprend un processus de réflexion autour de la propriété et de la lisibilité de l’image. L’expérimentation de la matière photographique, par différents procédés d’altération, est au cœur de sa pratique. Le travail de Solal Israel tente de lier des sujets intimes à des problématiques plus vastes, comme l’enjeu environnemental et de créer des analogies entre sujets de société et des réflexions sur la propriété de son médium photographique. La place du portrait et de la nature est centrale dans sa démarche artistique ainsi que le rapport entre l’humain et son environnement.
Solal est lauréat 2019 de la bourse « Vocatio ».

solal.israel.berta.me

Alice Pallot

Au XXème siècle, sous l’effet des émanations nocives de l’ancienne usine de zinc de Lommel (Belgique), la végétation est détruite et disparaît totalement sur plusieurs centaines d’hectares, laissant place à un paysage aride recouvert de sable blanc. Des conifères sont ensuite plantés, créant une réserve naturelle singulière. Les pins survivent grâce à leur coexistence symbiotique avec un champignon, le Suillus Bovinus. Naturellement résistant au zinc, il a protégé les arbres de l’écotoxicité et participé à la réémergence d’autres végétaux.

La série Suillus looking at the sun with closed eyelids évoque l’ombre noire de l’imperceptible pollution du zinc, qui perdure encore aujourd’hui dans une relation tendue avec une nature renaissante. Cette série s’efforce de souligner le contraste entre l’apparence idyllique du Sahara et sa réelle toxicité sous- jacente, les images ayant été élaborées sur place du levé au couché du soleil sans retouches.

Alice Pallot a initié cette série pendant la période de crise sanitaire de 2020. Son besoin de liberté, d’évasion et de terre sauvage l’a conduite à découvrir le lieu singulier du Sahara de Lommel pendant le confinement avec ses ami.es. Refusant de se cantonner à l’idée d’une génération désenchantée, ces images tendent à porter un message de reconstruction possible et d’espoir.

Le médium photographique apparaît à Alice Pallot comme un exutoire. Les corps semblent se toucher et se croiser, la peau s’imprégnant de liberté. Un nouvel espace se crée, un micro-écosystème où réalité et fantasmagorie fusionnent.
Le filtre analogique rouge qu’elle a utilisé fait référence à un univers ludique et mutin et à la vision que nous avons lorsque nous regardons le soleil les paupières closes.
Avons-nous vraiment les yeux ouverts ou sont-ils encore clos ?
Cette renaissance dans un espace régénéré, hors du temps et cette communion avec lui illustre l’espoir et la notion de palingénésie évolutive.

Alice Pallot

Alice Pallot est fascinée par les phénomènes naturels, les métamorphoses et les réalités silencieuses. Son travail immersif témoigne d’une exploration spontanée, de l’impact que l’être humain a aujourd’hui sur son environnement.
Son travail questionne la relation ambigüe entre l’être humain et un environnement en constante mutation, soulevant des questions intrinsèquement liées à notre époque.
Alice Pallot tend à repousser les limites du médium photographique pour créer des documentaires sensibles en utilisant des déchets trouvés sur le territoire investi comme prisme et filtre photographiques.
Entre exploitation et protection, appropriation et adaptation, Alice Pallot cherche de nouvelles perspectives. Elle crée un monde de thèmes d’hybridation, à travers ses séries de photographies.
Ces rencontres visuelles, issues de questionnements écologiques qui émergent comme des signaux dans la vie sociale active de la jeune artiste, lui permettent d’utiliser la photographie pour souligner les ambiguïtés de notre temps.
Au fur et à mesure de ses recherches, expéditions et expérimentations, sa photographie devient l’observation d’une nouvelle ère, d’un âge futur

Alice Pallot (née en 1995, Paris) est diplômée avec mention de la section Photographie de l’ENSAV La Cambre (BA et MA), en passant par l’Ecal (CH). Elle vit et travaille à Bruxelles.
Son travail a fait l’objet d’expositions individuelles et collectives en Belgique au Botanique, à la Galerie Été 78, à La Réserve, à Adaventura, à la Galerie Satellite, à La Vallée, au PhotoBrussels Festival 2019, au Hangar Art Center, à la Biennale de L’Image Possible, à Bozar et au FOMU, BE (2022). Il a également été présenté à la Unseen Photo Fair, Amsterdam, NL ; en France, à la galerie N’Oblige, à la Galerie Immix, Paris et au festival Diep-Haven, Dieppe.

En 2019, Alice Pallot a auto-édité Land, un livre présenté entre autres au Belgian Photobook, FOMU, Anvers, BE ; Le Bal, Paris, FR ; WIELS Art Book Fair, Bruxelles, BE.
Elle a été récompensée par le prix Roger de Conynck pour sa série L’Île Himero également présentée au festival Voies Off dans le cadre des Rencontres de la photographie d’Arles, FR en 2018. En 2020, elle est lauréate du PhotoBrussels Festival 05.
En 2022, elle participe à la résidence Triphasé, Bruxelles, (BE) ; elle est sélectionnée parmi les 10 talents émergents du programme .tiff au FOMU, (BE) et à la Résidence 1+2, Toulouse, (FR) où elle travaille avec des scientifiques sur sa nouvelle série Algues maudites.
En juin 2022, Alice Pallot est lauréate du programme Futures pour participer à l’exposition On the Verge aux côtés de 6 photographes européens au musée de la photographie Camera, Turin en novembre 2022, à Copenhaghe et Lotz (Pologne) en 2023.
Son livre Suillus a été sélectionné pour le Belgium Photobook, dans le cadre des Rencontres d’Arles 2022 à la fondation Manuel Rivera-Ortiz.
En septembre 2022, Alice Pallot a présenté Algues maudites à Unseen Photo Fair avec Hangar, Amsterdam, NL, l’œuvre vivante O.M.O présentée avec son collectif De Anima a été sélectionnée dans l’édition de Unbound 2022, Amsterdam, NL ; cette exposition est curatée par le Centre Pompidou (Paris).
La série Oosphère est présentée au Centre des Arts d’Enghien-les-Bains, dans le cadre de l’exposition Prométhée, le jour d’après, à la faveur d’un partenariat avec le Centre Wallonie-Bruxelles | Paris, du 21 septembre au 18 décembre 2022.
Alice Pallot a exposé sa série Algues maudites, restitution de sa résidence à Toulouse, dans la Chapelle des Cordeliers du 15 octobre au 27 novembre 2022, à la faveur d’un partenariat entre la Résidence 1+2 et le Centre Wallonie-Bruxelles | Paris.

alicepallot.com

Bertrand Cavalier

Permanent Concern est une série de photographies smartphones réalisée aux Pays-Bas. L’œuvre témoigne de l’obsession de Cavalier pour les espaces urbains et leur aménagement au travers d’une pensée rationnelle. Briques, béton et plastique constituent parfois la matérialité physique des objets qu’il photographie. Par l’utilisation maximum du zoom et la transposition des images en impressions laser monochrome, Cavalier révèle la structure inhérente des éléments qu’il photographie et les montre activés par l’homme ou la nature. De cette manière, Cavalier met en évidence la notion d’échec comme une qualité de l’urbanisme, qui laisse place à un usage subjectif et personnel au sein des villes que nous occupons.

Permanent Concern sera publié en mai 2023 chez Fw:Books, à l’occasion de son exposition solo au Photoforum Pasquart, durant Les Journées Photographiques de Bienne.

Bertrand Cavalier est un artiste français basé à Bruxelles. Son travail s’articule autour de la notion d’espace. Il étudie l’interaction entre les gens et leur environnement, en particulier l’environnement urbain tel qu’il a pris forme à l’époque du modernisme.
Le travail de Bertrand Cavalier montre avant tout comment l’homme et la nature se déplacent dans cet environnement construit et l’affectent, le «restructurant» ainsi. Ses photographies sont davantage des traductions sculpturales de moments uniques que des documents objectifs de phénomènes sociaux. Les objets et les situations qu’il dépeint sont souvent reconnaissables et ordinaires. Les gros plans utilisés par Bertrand Cavalier révèlent, tout comme sa présentation des photographies, la structure inhérente de ses sujets et la manière dont, en tant que «corps étrangers», ils rompent avec l’ordre originel. Bertrand Cavalier met ainsi l’accent sur les différents aspects de l’urbanisme, y compris l’involontaire, le «mishap», en tant que qualité qui laisse place à une utilisation subjective et personnelle des villes dans lesquelles nous vivons.
Le fil conducteur de la pensée artistique de Bertrand Cavalier est l’accent mis sur l’idée de sensation physique, comprise comme notre capacité à partager des idées et des pensées autrement que par des informations objectives et factuelles. La sensation physique concerne notre moi intérieur et ce que nous avons en commun. Grâce à nos sens, nous partageons des connaissances «tacites» mais significatives et universelles.

Bertrand Cavalier Permanent Concern

Bertrand Cavalier (1989, FR) vit et travaille à Bruxelles.
Sa série Concrete Doesn’t Burn a été publiée en 2020 par Fw:Books. En 2019, il a reçu la bourse Sébastien Van der Straten pour son projet en cours The Grid System.

Son travail a été publié avec Art Press, American Suburb X, C4 Journal et Mouvement. Il a participé à Plat(t)form au Musée de la photographie de Winterthour en 2019. Cavalier a exposé au FOMU d’Anvers, au FRAC d’Orléans, à BredaPhoto et à la Biennale de l’Image Possible (BIP), entre autres. En 2021, il commence une collaboration avec la galerie d’art contemporain tegenboschvanvreden basée à Amsterdam.
En 2023, il publiera son second livre monographique Permanent Concern avec Fw:Books, à l’occasion de son solo show au Photoforum Pasquart durant Les Journées Photographiques de Bienne. Il participera également à une résidence à La Cité Internationale des Arts de Paris.

bertrandcavalier.com

Lucas Castel et
Mathilde Mahoudeau

Préoccupé.es par des thématiques environnementales et territoriales, la collaboration de Lucas Castel et Mathilde Mahoudeau s’articule autour de l’impact que peut avoir un projet de relance de l’activité minière sur une vallée, ses paysages, ses habitant.es.
Dans le projet documentaire et collaboratif Deuxième saison, le duo explore à travers l’image et le son les différentes problématiques liées à la possible ré-ouverture d’un site d’extraction minière dans le village de Salau (Ariège, France).
Le titre Deuxième saison évoque tant la temporalité de cette région, tributaire de la saisonnalité, que la deuxième saison d’une histoire, celle d’un village sous tension, qui se bat contre un potentiel exploitant. La première saison débute en 1971, lorsque l’exploitation d’une mine de tungstène dans le village de Salau prend place, et se termine 15 ans plus tard, en 1986, à sa fermeture brutale, laissant derrière elle une région économiquement et écologiquement sinistrée. En 2015, suivant la volonté du gouvernement français d’un retour au minerai « made in France », un nouveau projet d’exploitation voit le jour. La population se divise alors entre celleux qui souhaitent la réouverture de la mine pour des raisons économiques et celleux qui s’y opposent pour des raisons principalement écologiques et de santé publique.
À travers le projet Deuxième saison, Lucas Castel & Mathilde Mahoudeau proposent une immersion entre ces deux saisons et au cœur d’une problématique qui, si elle est ici centrée autour du village de Salau, pourrait concerner demain un village en Belgique, ou partout ailleurs.
À mi-chemin entre recherche anthropologique et documentaire photographique, Deuxième saison part du micro (la matière de la roche de tungstène) pour mieux tenter d’en cerner le macro (le village, ses habitant.es).
Texte : Estelle Vandeweeghe

Nous avons décidé de travailler avec un outil nous permettant un rythme lent, l’appareil photo argen tique moyen format s’est donc naturellement imposé. Il était également important dans notre collaboration d’apposer nos deux regards sur le cadre. Discuter du cadrage et de la force symbolique des images nous a mis en garde contre les raccourcis trop rapides au sujet de cette problématique complexe. De par nos rencontres sur place, nous avons pu capter comment la période d’activité de la mine avait marqué les esprits et comment le projet de réouverture les a désormais divisé·es. De cela découle aussi une matière sonore, sons d’ambiances et interviews de différentes personnes concernées par le projet telles que des acteurs des associations pour et contre la réouverture ou maires et mairesses des villages alentours, une matière sonore que nous avons travaillé pour en faire un récit d’une époque et une projection d’un futur avec les paroles des concerné.es, à savoir les habitant.e.s de la vallée du Couseran.
Nous avons axé notre travail photographique autour de la nature, résolument impactée par cette exploitation minière passée, et envisagé le paysage comme témoin d’une époque. Nos séjours se sont donc naturellement agencés autour des quatre saisons qui nous ont fait redécouvrir le territoire et sa problématique à chaque immersion.

Lucas Castel et<br />
Mathilde Mahoudeau Deuxième saison, 2021

Lucas Castel et Mathilde Mahoudeau sont deux photographes auteur.ice qui se sont rencontré.es au cours de leurs études à l’École Supérieure des Arts de l’image LE 75 Le Septantecinq à Bruxelles. Ensemble, iels ont ensuite complété leur formation au sein de la Hochschule Hannover en Allemagne où iels ont été sélectionné.es pour un semestre de 6 mois. Tous deux sont préoccupé.es par des thématiques liées aux questions environnementales et aux notions d’implantation d’une industrie dans un espace. D’un terrain vague à Calais destiné à accueillir un parc d’attraction ou l’exploitation du charbon en Allemagne, les deux photographes se sont interrogé.es sur le bouleversement qu’un espace et une communauté peut vivre à travers des décisions politiques et/ou économiques. Leur collaboration s’articule depuis fin 2018 autour de l’impact que peut avoir un projet de relancement d’une activité minière dans une vallée pyrénéenne. Un projet dévoilé d’abord au Festival Circulation(s) à Paris en mars 2021 et ensuite à Bruxelles à LA CENTRALE for Contemporary Art en juin 2021 et à Contretype en novembre de la même année.

Depuis lors, le duo de photographes continue à échanger sur leurs différentes réflexions et projets respectifs. Mathilde continue ses recherches et réflexions en France comme à l’étranger. Lucas a pour sa part continué son parcours en développant des projets à l’international. Notons sa participation à l’exposition Nature Future dans plusieurs villes allemandes et la réalisation de différentes résidences artistiques ainsi que la création d’une association et collectif à Bruxelles, La Nombreuse.

castellucas.com

instagram : @mathildemah