Atlas Chimérique” — Artistes

Michel Couturier
– Victoire Thierrée
– Elise Guillaume
– Aliki Christoforou
– Bertrand Cavalier
– Naïmé Perrette
– Lucas Leffler

Un royaume sans frontière, videostill 2018 - Michel Couturier

Michel Couturier

Un royaume sans frontière

2018, 8’04 ‘’
Vidéo 4K
Direction, images : Michel Couturier
Design sonore : Yannick Franck
Étalonnage : Miléna Trivier
Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles et la collaboration de l’Association Arte Contemporanea, Catania, (Italie)

Exploration poétique des ports de Sicile.

La Sicile, avant-poste de l’Occident au milieu de la Méditerranée, voit ses ports assurer la circulation et le passage des marchandises essentiellement. Les installations portuaires sont des dispositifs de manutention mais aussi de clôture, de contrôle et de sécurité, des barrières, tout un ensemble fait d’architecture utilitaire, de dispositifs parfois violents. Ces lieux ne sont pas à dimension humaine et semblent invivables, hostiles. Le conditionnement et le contrôle que l’on y rencontre ne sont pas fondamentalement différents que dans le reste de l’espace public, mais ils y sont plus développés, plus visibles, plus évidents.

Néanmoins, l’artiste rend également compte de l’esthétique fascinante que dégage l’ensemble de ces structures. Elles deviennent les personnages standardisés de ces zones complètement déshumanisées. En contrepoint, des oiseaux évoluent librement dans un royaume sans frontières.

Mieux connu pour ses dessins de structures urbaines, Michel Couturier a pourtant entamé son travail artistique à la fin des années 70 par de la vidéo et de la photographie. Les silhouettes découpées de pylônes, paraboles et autres objets typiques des paysages contemporains qu’il révèle dans ses dessins à partir de 2008 proviennent de ces premiers travaux.

La vidéo apparaît en Belgique au début des années 70 avec des documentaires et des films d’artistes. Grâce à des outils d’enregistrements faciles et peu coûteux 1, elle permet un accès à l’image filmée plus direct que la pellicule. Michel Couturier fait partie de cette génération qui assiste à la naissance d’un nouveau médium. Il est un spectateur assidu de l’émission «Vidéographie» de la RTBF-Liège qui diffuse, pour la première fois en Europe, entre 1976 et 1986, de l’art vidéo international. Cette émission deviendra par la suite une structure de production pour les artistes. Tout en rêvant de cinéma, particulièrement fasciné par Pasolini et Godard, Michel Couturier réalise quelques reportages pour la télévision et ses premières productions personnelles. En 1989, il réalise avec Marc-Emmanuel Mélon un vidéo-film sur les sculptures funéraires des grands cimetières européens, qui le place dans le sillage du documentaire poétique 2.

Le travail vidéo de Michel Couturier s’apparente au tableau vivant. Il réalise des prises de vue en continu qu’il juxtapose à la manière d’un diaporama. Il est imprégné par les longs plans-séquence et l’immobilité des espaces cinématographiques de Pasolini.
Héritée du documentaire, cette approche permet l’immersion et la contemplation de réalités complexes. Pour l’artiste, cette manière de procéder en plans fixes, comme pour la photographie, induit la distance nécessaire avec le sujet, voire une forme de neutralité. A cette démarche de témoignage s’ajoute, au montage, un regard empreint de poésie et d’humour. Ceux-ci sont induits par le rythme, les contrastes entre les scènes, les artifices visuels et sonores ainsi que par les moments de silence et de contemplation absolue, au travers de plans particulièrement soignés.

Nancy Casielles

Michel Couturier vit et travaille à Bruxelles. Il utilise la photographie, la vidéo et le dessin en relation avec
la sculpture, l’architecture et l’espace public. Depuis 2001, son travail interroge l’environnement urbain et ses environs, souvent en lien avec la mythologie et les traces de cette dernière dans le paysage contemporain. Aujourd’hui son travail se concentre sur les frontières maritimes, les zones portuaires et leurs structures de contrôle, les dispositifs des flux de personnes ainsi que de marchandises.

michelcouturier.com

Okinawa !!, 2019 - Victoire Thierrée

Victoire Thierrée

Okinawa !!

7 tirages gélatino-argentiques de la série, 33,5/49,5 cm
2019
La série Okinawa !! a été réalisé avec le soutien du CNAP

« La recherche est partie intégrante du développement de ma pratique artistique – de sculptrice, photographe et vidéaste – à travers laquelle j’explore les liens existants entre la nature, l’art et les technologies, notamment du monde militaire.

En 2013, quelques mois après avoir intégré l’atelier de Michel François aux Beaux-Arts de Paris, je pars plusieurs mois à Tokyo pour approfondir ma connaissance de la photographie japonaise au sein de la galerie d’art contemporain Taka Ishii, qui représente parmi les plus grands maîtres nippons dans ce domaine. Mon arrivée au sein de ce nouveau monde fascinant me plonge directement au contact des sujets qui animent ma recherche, notamment avec le décès du photographe Shomei Tomatsu (1930 – 2012), un des précurseurs de la photographie japonaise. Ce dernier a passé sa vie à photographier les stigmates de la guerre et de la présence américaine au Japon – notamment sur l’île d’Okinawa, sur laquelle il a passé la majeure partie de son existence et où vit encore sa veuve, qui s’occupe de diffuser son travail.

Ce territoire isolé et complexe, au centre de son oeuvre, cristallise les problématiques politiques, sociales et militaires des relations houleuses entre le Japon et les États-Unis. L’île est à la fois très sauvage et soumise à la forte présence de l’armée américaine. Encore aujourd’hui, l’île accueille 32 bases militaires américaines et plus de 10 000 marines sur les 20 000 présents au Japon. Ce petit bout de terre, au milieu de la très controversée Mer de Chine Méridionale, est au coeur des tensions géopolitiques et stratégiques actuelles entre la Chine, Taiwan, le Japon et les États-Unis, qui se disputent la souveraineté des terres et des mers aux alentours, en faisant d’Okinawa un lieu aux avantgardes des futures tensions politiques, économiques et militaires mondiales.

Shomei Tomatsu est le premier photographe japonais à documenter cette cohabitation difficile sur le sol japonais. Je reste très marquée par ce travail, notamment par ses premières éditions comme les livres Okinawa! Okinawa! Okinawa! (1960), Nagasaki 11:02 (1968), Oh! Shinjuku (1969). Il a influencé les générations suivantes de photographes comme Nobuyoshi Araki, Daido Moriyama, Eiko Hosoe ou encore Ishikawa Mao, qui produit depuis les années 70 un témoignage unique sur l’île de Okinawa, proprement social, mettant en relief une vision propre, sensorielle et intime.

 En septembre 2019 je me suis rendue seule sur l’île afin d’amorcer ce travail photographique. J’ai été alors confrontée aux conditions climatiques dures liées à sa situation géographique unique : la chaleur et l’humidité y sont vraiment très intenses, les cyclones balayent son territoire environ une vingtaine de fois par an, entre avril et novembre. J’ai également découvert la rudesse de l’accueil des populations locales, qui voyaient en moi une étrangère de plus – sûrement américaine car ne parlant pas japonais – rendant ainsi mon travail de photographe très solitaire et introspectif. J’ai aussi été confrontée à l’isolement de l’île, qui rend la logistique plus compliquée, tout comme la gestion du stock de pellicules, introuvables sur place, et qui m’a poussée à retourner à Tokyo […]»

V. Thierrée

Sculptrice, photographe et cinéaste, Victoire Thierrée pénètre des communautés et des lieux usuellement fermés et sensibles. Elle développe l’infiltration comme pratique artistique et explore les liens entre la nature, la forme et la technologie, lorsqu’elle est utilisée par l’homme pour pallier ses limites en contexte extrême – militaire, de défense et de survie. Extrait du contexte militaire, l’artifice technologique est déplacé dans le champ esthétique et devient une matière «dé-fonctionnalisée», désarmée, sensible. La matière militaire, dans son travail, propose une relecture constante de notre rapport au monde, crée de nouvelles temporalités, un geste, une vision, une vitesse décuplée, ou inversement des champs aveugles, camouflés, ellipses et espaces cryptés. Les oeuvres de Victoire Thierrée parlent de ce monde, souvent mimétique de la nature, qui développe un langage poétique dans sa violence, ses failles et son esthétique.

Victoire Thierrée est une artiste française qui travaille à Pantin.

Elle est diplômée en photographie de l’École des Gobelins en 2009 et de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris en 2014 (atelier de Michel François). En 2019, elle réalise un post diplôme de recherche à L’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. En 2020-2021 elle suit, en tant qu’auditrice civile, la préparation aux postes de commandements des officiers à l’École de Guerre, à Paris. Elle est la première artiste contemporaine à suivre le programme de cette école normalement réservée aux militaires gradés.

Elle a réalisé des courts métrages, produits par Jonas Films, intitulés Birds of Prey (2018) et Sans Lune (2021), ce dernier également soutenu par le CNC (DICRéAM), le Cent Quatre et Les Amis des Beaux-Arts de Paris. Elle reçoit en janvier 2021 le Prix Découverte du Centre Wallonie- Bruxelles pour son installation Don’t Get Caught, présentée dans le cadre de La Biennale Nova XX.

En 2022-2023 elle est invitée en résidence par le CNES (Centre Nationale des Etudes Spatiales), où elle réalisera un projet intitulé SOL en lien avec les robots et rovers actuellement en activités sur Mars. Ce travail sera présenté au CNES lors de la deuxième édition de l’exposition Avec l’Espace, en mars 2023. Toujours en mars 2023, elle réalisera sa première exposition personnelle à La Maison des Rendez-vous, à Bruxelles.

Au printemps 2023 elle se rendra aux Etats-Unis en résidence, en tant que lauréate de la Villa Albertine, pour réaliser son projet, intitulé Skunk, entre New York, Washington, Los Angeles…

victoirethierree.com

Where I Learn to Breathe: Polaroids, 2022 - Elise Guillaume

Elise Guillaume

Where I Learn to Breathe: Polaroids

8 polaroids de la série, 22/20.5/3.5cm
2022

« Le repérage est une étape essentielle de mon processus de réalisation. Pendant cette période de recherche, j’utilise des supports analogiques afin de ralentir ce procédé de documentation. Cette lenteur me permet d’observer plus attentivement les écosystèmes qui m’entourent. Where I Learn to Breathe: Polaroids sont des artefacts réalisés lors du repérage de mon film Where I Learn to Breathe; une oeuvre qui explore entre autres les thèmes du féminisme, de l’écologie et de la fertilité. Les Polaroids ont été pris dans une réserve naturelle à proximité du port d’Anvers où s’opère un trafic de cargos sans fin. Cette réserve naturelle est un lieu protégé, néanmoins vulnérable aux effets du réchauffement climatique. Suivant le moyen de conservation utilisé, l’image d’un Polaroid peut s’estomper avec le temps. Telle que la réserve naturelle qu’ils représentent en images, la durée de vie des Polaroids dépend de leurs environnements ; l’image est susceptible de disparaître avec le temps si l’on n’en prend pas soin. »

E. Guillaume

« La façon dont nous nous traitons les uns les autres transparaît sur la relation que nous entretenons avec la Terre. Par des moyens audiovisuels ainsi que par la photographie, j’explore le rapport entre l’humain et l’ensemble du vivant, dans un contexte de crise et d’extinction abordé à mon échelle. Le repérage, période initiale de ma démarche artistique, se déroule en extérieur. C’est une étape essentielle durant laquelle j’utilise la photographie analogique comme outil de documentation principal. Son mode de fonctionnement étant plus lent que celui du numérique, elle m’encourage à ressentir davantage les écosystèmes qui m’entourent. Entreprendre une approche durable et écologique, autant au niveau conceptuel que pratique, est essentiel à mon travail. Je développe par exemple mes pellicules à l’aide de ma propre chimie végétale, une méthode alternative aux substances chimiques traditionnelles. Les technologies actuelles sont une ressource inépuisable pour l’étude de notre relation avec la nature. Étant intéressée par les diverses connexions au sein de nos (éco)systèmes, l’utilisation de multiples écrans, d’objectifs ultras-macros et d’appareils d’enregistrement sonore alternatifs me permet de créer des récits qui visent à défier les normes anthropocentriques de la nature. Le corps est un élément clé dans mon travail : il devient un médium d’expression qui encourage un discours sur la parenté multi-espèces. »

E. Guillaume

Elise Guillaume (1996) est une artiste et réalisatrice belge dont le travail explore notre relation complexe avec la nature. En 2022 son film Hybrid Terrains a été sélectionné pour des prix à l’international, notamment le Aesthetica Art Prize (finaliste), Arte Laguna Art Prize (Finaliste & lauréate du Prix Art Nova) et le prix de l’OEuvre Expérimentale de La Scam (présélectionnée). Ses oeuvres ont été diffusées dans des festivals tels que le KIKK Festival, VIDEOFORMES, Instants Vidéo Numériques et Poétiques et Imagine Science Film Festival.
Elise a étudié au Royal College of Art à Londres (Contemporary Art Practice, 2022). En plus de son exposition de fin d’études, elle a récemment participé à Shaping Futures (sélection d’oeuvres par les étudiants du Royal College of Art pour l’EXPO universelle 2020 à Dubai), SYMBIOCENE à l’Été des Serpents lors des Rencontres de la Photographie à Arles, Aesthetica Art Prize à la York Art Gallery, UK… En 2023, elle naviguera vers l’Arctique avec Arctic Circle ; cette expédition jouera un rôle important dans le développement de son prochain projet sur le deuil écologique.

eliseguillaumeart.com

Atlantide, 2022 - Aliki Christoforou

Aliki Christoforou

Atlantide

4 tirages argentiques de la série, 50/60 cm
2022

Ce travail a comme point de départ le mythe de l’Atlantide, île qui voit ses habitants sombrer progressivement dans la corruption et le matérialisme, aveuglés par la richesse et une soif de domination, avant d’être engloutie par les flots dans un cataclysme provoqué par Zeus dans le but de punir les hommes «gonflés d’injuste avidité et de puissance».

Il s’appuie sur cette allégorie appartenant à la mythologie grecque pour construire un récit fictif, mais ancré dans le réel, sur une Atlantide contemporaine : une civilisation menacée par la hausse du niveau des océans et les inondations liées au réchauffement climatique, réchauffement consécutif à la frénésie de l’être humain. Des parties de territoires seront submergées par cette montée des eaux qui est lente, mais certaine, et les paysages tels que nous les connaissons aujourd’hui viendront se redessiner sans cesse ; certains disparaitront.

Ce projet met en images et tente de rendre tangible la menace réelle, mais encore peu visible, qui pèse sur ces territoires submersibles, d’évoquer « ce qui arrive » : à l’instar de ces paysages voués à disparaître, il s’agit d’une accélération du présent rendue sensible, sinon visible, par l’effacement, l’enfouissement ; d’une suggestion de la catastrophe inimaginable. L’outil photographique est ici appréhendé non seulement en tant que reproduction d’un réel, mais aussi, et surtout, comme la mise en images d’une réalité future possible.

Les lieux photographiés se situent sur des territoires en Belgique et dans le nord de la France qui sont vulnérables face à cette montée des eaux imminente. Ces photographies argentiques constituent la matière première qui est manipulée et réinventée en chambre noire de manière à évoquer la lente disparition de ces territoires. Il s’agit de donner à voir ce qui est difficilement observable en un seul coup d’oeil tant par son échelle physique que par son échelle temporelle, mais qui se déroule pourtant sous nos yeux. Par un jeu entre ce qui est donné à voir et ce qui est occulté, par un glissement entre espace réel et espace suggéré, les imaginaires se superposent aux paysages, se fondent en eux, se diluent et invitent à supposer de l’accident, de la catastrophe. L’enjeu ici est de s’appuyer sur un procédé qui révèle autant qu’il efface, de proposer un espace trouble à la réflexion.

Aliki Christoforou développe une pratique qui combine la photographie expérimentale et la vidéo. Imprégné de ces deux cultures, son travail opère des glissements permanents entre la réalité et la fiction. Il s’articule autour de problématiques écologiques et sociales et invite à une réflexion quant à notre temps présent. Elle aime détourner la pratique photographique et porter le regard au-delà de l’usage commun du médium en le détachant de sa dimension indicielle. Dans une volonté de lier la matérialité des images et les histoires qu’elles donnent à voir, la chambre noire devient un terrain d’expérimentations qui allie la chimie, la lumière et le temps, afin de révéler de nouvelles manières de transposer non seulement le visible mais aussi, et surtout, l’invisible.

Née en 1992 à Bruxelles, Aliki Christoforou est une photographe plasticienne belgo-grecque qui vit et travaille entre la Belgique, la France et la Grèce. Après avoir exercé en tant qu’architecte et scénographe, elle décide de s’éloigner de son activité professionnelle pour se consacrer à sa pratique artistique. Diplômée en 2022 d’un master en photographie de l’ENSAV La Cambre à Bruxelles, elle poursuit actuellement ses études en arts visuels à l’ERG. En 2021, elle remporte le Libraryman Award 2021 et édite son premier livre, «Anamnésies». Son travail a depuis été présenté lors d’expositions en Belgique et en France.

alikichristoforou.com

Untitled (1), video still 2022, Bertrand Cavalier

Bertrand Cavalier

Untitled (1)

Smartphone Video, 2’22”
2021

Dans sa première oeuvre vidéo, Cavalier continue d’explorer la notion de grille comme métaphore de l’organisation de la société. La vidéo se concentre sur une grande bâche, ondulant sur un immeuble de la périphérie d’Amsterdam. Pour Cavalier, le bâtiment représente l’ordre sociopolitique, une structure rigide et immuable. Le rideau blanc, quant à lui, peut être perçu comme la représentation des citoyen.ne.s, une entité liquide qui semble être absorbée par le système ou bien qui s’en échappe.

 Le travail de Bertrand Cavalier s’articule autour de la notion d’espace. Il étudie l’interaction entre les gens et leur environnement, en particulier l’environnement urbain tel qu’il a pris forme à l’époque du modernisme.

Son travail montre avant tout comment l’homme et la nature se déplacent dans cet environnement construit et l’affectent, le «restructurant» ainsi. Ses photographies sont davantage des traductions sculpturales de moments uniques que des documents objectifs de phénomènes sociaux. Les objets et les situations qu’il dépeint sont souvent reconnaissables et ordinaires. Les gros plans utilisés par Bertrand Cavalier révèlent, tout comme sa présentation des photographies, la structure inhérente de ses sujets et la manière dont, en tant que «corps étrangers», ils rompent avec l’ordre originel. Bertrand Cavalier met ainsi l’accent sur les différents aspects de l’urbanisme, y compris l’involontaire, le «mishap», en tant que qualité qui laisse place à une utilisation subjective et personnelle des villes dans lesquelles nous vivons.

Le fil conducteur de la pensée artistique de Bertrand Cavalier est l’accent mis sur l’idée de sensation physique, comprise comme notre capacité à partager des idées et des pensées autrement que par des informations objectives et factuelles. La sensation physique concerne notre moi intérieur et ce que nous avons en commun. Grâce à nos sens, nous partageons des connaissances «tacites» mais significatives et universelles.

Bertrand Cavalier (1989, FR) vit et travaille à Bruxelles.
Sa série Concrete Doesn’t Burn a été publiée en 2020 par Fw:Books. En 2019, il a reçu la bourse Sébastien Van der Straten pour son projet en cours The Grid System. Son travail a été publié avec Art Press, American Suburb X, C4 Journal et Mouvement. Il a participé à Plat(t)form au Musée de la Photographie de Winterthour en 2019. Cavalier a exposé au FOMU d’Anvers, au FRAC d’Orléans, à BredaPhoto et à la Biennale de l’Image Possible (BIP), entre autres. En 2021, il entame une collaboration avec la galerie d’art contemporain Tegenboschvanvreden basée à Amsterdam.
En 2023, il publiera son second livre monographique Permanent Concern avec Fw:Books, à l’occasion de son solo show au Photoforum Pasquart durant Les Journées Photographiques de Bienne. En 2023 il participera également à une résidence à La Cité Internationale des Arts de Paris.

bertrandcavalier.com

Raoul Island, 2025 - Naimé Perrette

Naïmé Perrette

Raoul Island

Sérigraphie sur verre, métal,
160/40/96 cm
2015

Raoul Island est une île volcanique isolée, au large de la Nouvelle-Zélande. L’accès y est interdit, à l’exception de biologistes qui en arrachent la végétation implantée par l’homme par le passé. L’île fait figure d’objet de projection pour des idéaux qui ne survivraient pas ailleurs : des efforts sisyphéens sont déployés pour restaurer un nature originelle. Aussi intangible que le modèle qu’elle suscite, cette image de Raoul Island est éclatée, faussée par son procédé de représentation. Notre regard est invité à chercher sa position, et à recomposer l’image mentalement.

Resurface
Assemblage de 4 éléments en verre
2022

Resurface s’inspire d’environnements volcaniques. Ces terres mouvantes rendent visible les forces
souterraines, et sont parmi les écosystèmes les plus intacts au monde. Des organismes invisibles se
développent dans ces conditions extrêmes et engendrent des recherches sur les origines de la vie sur Terre. Resurface évoque la difficulté à appréhender ces écologies complexes, et appelle à un rapport plus sensible avec les formes de vies avec lesquelles nous coexistons.

Landed Rock
Impression sur aluminium, verre, 20x38cm
2023

L’oeuvre se situe à la frontière du monde tangible et de l’imagination. C’est l’image d’un bouleversement géologique fantasmé, où notre ère est mise à mal. Un événement à la fois monumental et imperceptible se dessine, entre une imagerie de surveillance et la gravure d’un mythe.

Réalisatrice et plasticienne, Naïmé Perrette interroge les rapports à nos environnements sociaux et géographiques à travers des films intimistes, et donne corps à des univers visuels numériques dans des installations, sculptures et images. Son travail aborde des thèmes tels que le rôle du travail dans la construction de l’identité, ou la façon dont les sociétés représentent et façonnent leur territoire, de l’exploitation démesurée des ressources à la volonté de contrôle sur la nature et les déplacements humains. Ses oeuvres confrontent différentes perspectives et rapports d’échelle, à la fois formellement et théoriquement. Dans son travail, issu de la vidéo et de l’animation, certains projets resurgissent et se transmuent à travers différentes formes et supports. Dans ses oeuvres récentes, elle a été intriguée par les nouvelles techniques de visualisation proposées par GoogleEarth et Street View, ainsi que par la manière dont la caméra permet d’explorer le monde «figé» et d’interagir avec lui. L’artiste s’intéresse aux zones en transformation, se développant à toute vitesse au point que leur évolution est difficile à suivre, documenter ou retracer. Alors même que la politique européenne s’efforce d’écarter les populations marginalisées des frontières ou des centres urbains dans le but de les rendre invisibles, les outils destinés au balayage virtuel des paysages ne cessent de s’améliorer. On pourrait se demander si nos cartes virtuelles ne contribuent pas à masquer ce problème, en le maintenant à distance et hors de vue. Perrette se confronte à ces questions d’« invisibilisation ». Qui a le pouvoir de dessiner des cartes ? Qui encadre notre vision du monde ? Dans quelle mesure notre accès à ces lieux est-il direct (ou obstrué) ? Les intentions derrière ces outils numériques censés être politiquement neutres semblent tout aussi invisibles. Ces paysages peuvent nous apparaître comme d’innocentes représentations du réel, tandis que les spectateurs.trices prétendument omniscient.e.s que nous sommes surfent sur le web. L’oeuvre de Perrette se construit sur cette relation paradoxale entre la cartographie de pointe et l’éloignement physique, nous rappelant de ne jamais nous attarder sur des images «neutres» sans filtres critiques.
Resurface, 2022 © Naïmé Perrette

Artiste française installée à Bruxelles, Naïmé Perrette est diplômée d’un Master en Cinéma d’Animation à l’ENSAD (Paris). Elle a été résidente à la Rijksakademie van beeldende kunsten à Amsterdam et récompensée de la bourse Werkbijdrage Jong Talent du Mondriaan Fund. Son travail a été présenté dans des institutions internationales telles que Wiels (Bruxelles), la 5ème Biennale d’Art Contemporain d’Oural (Yekaterinburg), HKW (Berlin), Eye Filmmuseum (Amsterdam), le Musée d’art moderne de Rio de Janeiro et le Centre Wallonie-Bruxelles Paris. Ses expositions les plus récentes incluent Amount, Simian (Copenhague), et Lava Lines, Biblioteka (Londres).

naimeperrette.com

Rock Landscape #02, 2019 - Lucas Leffler

Lucas Leffler

Rock Landscape #01 (70 x 100 cm)
Rock Landscape #02 (70 x 100 cm)
Rock Moonlight 01 (100 x 150 cm)

Tirages pigmentaire, cadre en acier, verre musée.
2019

Les trois images – représentant des paysages rocheux de l’île de Lanzarote immortalisés pendant la période de la pleine Lune – reflètent la croyance alchimique selon laquelle les métaux naîtraient dans la terre sous l’influence des planètes qui y sont associées. Le fer s’y développerait suite à l’influence de Mars par exemple, l’argent suite à la lumière de la Lune, l’or du soleil… Une croyance qui a bien sûr été balayée par la science moderne.

Ces tirages sont intégrés dans le projet Crescent (2019-2020), qui témoigne de la fascination de Leffler pour le métal argentique, ce matériau lié au médium photographique, et qui explore différentes narrations liées à cet élément tantôt dans son aspect minéral, tantôt dans sa dimension chimique. L’artiste s’intéresse à ses propriétés, à ses significations scientifiques, symboliques et ésotériques.

La pratique de Lucas Leffler questionne la nature de l’image photographique à travers sa technique et son histoire. Elle est motivée par une fascination pour la matière produite par la chimie argentique, et par la nature bivalente de l’image photographique : un statut alchimique situé quelque part entre science et magie.

Mon approche est essentiellement expérimentale et tend à faire transformer ma pratique photographique vers d’autres formes comme la sculpture ou encore l’installation. Je cherche à déborder de la planéité de la surface photographique pour élargir ses possibilités plastiques. Je m’inspire beaucoup de mythes, de faits historiques souvent liés à la photographie, et je m’en sers comme base pour les interpréter ou pour créer de nouvelles histoires par le biais de mises-en-scène et d’expérimentations. « À la croisée des genres, le travail de Lucas Leffler convoque le documentaire, l’expérimental et flirte avec la fiction. L’artiste prend volontiers la position de l’enquêteur, tant pour mener des recherches sur les aspects techniques de la photographie, témoignant d’un goût inextinguible pour l’expérimentation, que pour remonter le fil de l’histoire, déterrant d’étonnantes mythologies oubliées. L’histoire des lieux qu’il investigue prend part à l’oeuvre au même titre que les expérimentations du médium, dont il repousse les limites au-delà de ses deux dimensions.

L’artiste oriente ses explorations vers les qualités minérales et chimiques de l’argent, à travers son projet Zilverbeek, où il part sur les traces du précieux métal rejeté par une entreprise de produits photographiques, mais aussi lors de ses récents re-enactments des célestographies d’August Strindberg ou des expérimentations au nitrate d’argent de Lilly Kolisko. Il examine les problématiques de l’alchimie et de l’anthroposophie, questionne les processus et matériaux hérités de longue date, et avec eux la place de l’humain et de ses rituels au sein de sa propre histoire, découvrant la qualité des liens ainsi créés.

Lucas Leffler développe une pratique performative du re-enactment qui interroge l’histoire et son écriture.
Il ne s’agit ni de refaire l’histoire ni de la répéter, mais plutôt de rejouer pour le présent des événements ou des expérimentations qui ont été minorées, parfois ignorées par l’histoire. Il participe ainsi du principe contemporain de réévaluation historique, dans le sens d’un questionnement des valeurs qui la sous-tendent. »

Yuna Mathieu-Chovet – 2021

Lucas Leffler (1993) est un jeune artiste visuel qui vit et travaille à Bruxelles. Il a étudié la photographie par un bachelier technique à la HELB (Bruxelles), ainsi que par un master artistique à la KASK de Gand. Sa première publication Zilverbeek (Silver Creek) est sortie en automne 2019 avec l’éditeur néerlandais The Eriskay Connection. Son travail a été exposé au FOMU (Anvers, BE) dans le cadre de l’exposition .tiff, au Musée de l’Elysée (Lausanne, CH) ainsi que pour l’exposition quinquennale reGeneration4. En 2021, son travail a été représenté par la Galerie Intervalle aux Salons Approche (Paris, FR), Unseen (Amsterdam, NL), Art Paris (FR) et Paris Photo (FR).

Lucas Leffler a été résident entre autres à Contretype (Bruxelles) et à la Cité Internationale des Arts (Paris).

lucasleffler.com