Par delà nos frontières
SANDRINE SAÏAH

du 3 au 14 octobre 2023

Commissariat : Grigori Michel

Depuis une vingtaine d’années, Sandrine Saïah s’illustre en tant qu’artiste anthropologue

SANDRINE SAÏAH - REGARD 1, 2023, série Regards ubiquistes

Sandrine Saïah, REGARD 1, 2023, série Regards ubiquistes,
impression numérique sur papier Hahnemühle, 100×52, premier tirage sur 6.

Elle mène ainsi une recherche anthropologique et artistique centrée
sur le thème des frontières du corps. Celles-ci sont aux prises avec les révolutions technologiques qui bouleversent nos repères spatiaux. Univers en expansion, expansion numérique et mondialisation interfèrent sur nos représentations et par conséquent sur notre rapport à l’espace, aux espaces. Plus que le corps humain, c’est la simultanéité de sa relation aux différents espaces contemporains qu’elle étudie.

A travers une partition de pièces singulières, Par-delà nos frontières interroge la relation possible entre les espaces physique et numérique à l’aune de nos repères spatio-temporels. « Les deux notions inextricables espace/temps et corps/esprit qui ont prévalu dans l’édification de nos repères, ne se distordent-elles pas dans ce va et vient permanent entre ces deux espaces, dont l’un plat gonfle et l’autre en trois dimensions rétrécit ? » nous demande-t-elle.

Avec son installation Portant (2017), l’artiste-anthropologue convoque alors des silhouettes d’anonymes en taille réelle, bien qu’individualisées par le contour de leur corps imprimé sur vinyle, pour former un ensemble de singularités dont les dénominateurs communs du numérique constituent des flux de données et d’informations qui les connectent. Les innombrables images fragmentaires qui ont laissé leur empreinte – indélébile ? – sur ces profils colonisés donnent à voir une réalité vertigineuse où le déplacement se fait sur une ligne du temps en constante progression. Collectif frontal (2017) s’inscrit dans cette représentation d’une humanité numérisée sans densité physique.

Sandrine-Saiah - Collectif frontal, 2017, impression numérique sur papier ultra smooth, 390 x 110, premier tirage sur 6.

Sandrine Saïah, Collectif frontal, 2017,
impression numérique sur papier ultra smooth, 390 x 110, premier tirage sur 6.

Sandrine Saïah pense en images. Elle les orchestre comme un langage dont on pourrait croire qu’elle est la seule à en avoir la maîtrise, érigeant subitement de nouvelles frontières qui n’en sont pas réellement. En effet, par un nécessaire retour aux origines du langage où la lettre est une image, une icône – à l’instar des idéogrammes – on franchit ces fenêtres capturées pour rejoindre dans une autre temporalité des territoires jadis privés devenus publics par la numérisation de l’humanité. Alors, une multitude de directions nous sont offertes et ne manquent pas d’élargir le domaine de notre conscience pour la rendre mobile quel que soit l’espace.

Si l’on n’ose pas un tel détachement avec notre propre réalité, Sandrine Saïah renverse les cadres et le champ visuel frontal traditionnel de notre espace physique avec la structure Cheminées (2022) pour redonner du souffle, du rythme, en déployant une succession verticale d’images. Tandis qu’avec la série d’impressions sur Dibond Images fuyantes, elle explore l’espace numérique dans sa platitude, son encombrement, sa systémique pour le désordonner, le désorienter, l’aérer. A travers ces nouveaux champs de vision, l’artiste-anthropologue donne de la profondeur et de la perspective à ces images qui nous font face à plat. Il s’agit d’expérimenter un autre rapport à l’image qui ne serait pas en deux dimensions.

Sandrine Saiah -Éboulement, 2021, série Images fuyantes,

Sandrine Saïah, Collectif frontal, 2017,
impression numérique sur papier ultra smooth, 390 x 110, premier tirage sur 6.

En définitive, l’ère de l’hypermédiatisation, de l’hypereprésentativité et de l’hypervisibilité conduit Sandrine Saïah à s’intéresser, avec les sculptures en terre crue Têtes (2023), les séries d’impression sur papier Profil numérique (2023) et Regards ubisquistes (2023), à la nature des continuités et de l’étendue entre l’espace physique et l’espace numérique pour s’interroger sur ce qui nous façonne entre eux. Elle « confronte alors deux types de représentation de l’humain du début du XXIe siècle, pour penser l’étendue de l’écart entre un “profil numérique“ et une tête en rondebosse comme les antipodes de la figuration de l’humain puis estimer la possible articulation entre eux pour concilier leur dissemblance ou pas ».
Grigori Michel

Biographie de Sandrine Saïah :

Née à Arcachon en 1957, vit et travaille à Bordeaux.
Très jeune, ses centres d’intérêts sont reliés à l’anthropologie, le corps et l’expression artistique visuelle. Elle a pu conjuguer des études en sciences humaines à celles des Beaux-Arts puis mêler ses connaissances dans ses diverses pratiques professionnelles.
Pour tenter de soulever les principales interrogations concernant la simultanéité du rapport du corps humain aux différents espaces contemporains, elle a organisé une rencontre, à Cap Sciences à Bordeaux en 2015. Michel Cassé, astrophysicien, Milad Doueihi, titulaire de la chaire d’humanisme numérique à l’université de Paris-Sorbonne, et Esther Lin, traductrice de François Jullien, philosophe sinologue, ont dialogué sur Quels espaces pour l’espace ?
Lors d’échanges avec François Laplantine anthropologue, sur la notion d’interstice, elle a rencontré Alain Mons qui lui a proposé de collaborer à un ouvrage collectif sur Les battements du contemporain. La rédaction de ce texte « Pour une chorégraphie aléatoire » l’a amenée à des productions touchant la platitude, la simultanéité, l’imbrication.

Site internet : sandrinesaiah.com

Biographie de Grigori Michel :

Engagé dans l’art depuis plusieurs années, il préside Paris Curatorial. Il a participé avec la Galerie Charraudeau à l’exposition d’une maison démontable 6×9 de Jean Prouvé à Saint-Pétersbourg en septembre 2017. La même année en octobre, il organisait la première performance de son projet Points de vue sur oeuvre à l’espace Albatros à Montreuil. En 2019, il a réalisé à la galerie Iconoclastes – Vendôme la deuxième performance de ce même projet.
Puis, en 2019, il est le curateur de l’exposition Interdimensions sensuelles de l’artiste Vava Dudu à la galerie Charraudeau. Depuis, il a été commissaire d’une quinzaine d’expositions dont « Là où est la mer… » qui a eu lieu au CAC Passerelle de Brest du 11 juin au 11 septembre 2021 sous le patronage du ministère de la Mer et dans le cadre de la saison Africa 2020-2021 de l’Institut Français.

Instagram : GrigoriMichel