American Influences – Exposition de Gene Johnson

à la galerie
du 27 avril au 13 mai 2023

Commissariat
Marie Deparis-Yafil

Vernissage
le 27 avril
à partir de 18h

Dégrisements, Younes Baba-Ali. Panne de foi

Avec American Influences, la Galerie Talmart, installée dans le quartier Saint-Merri au cœur de Paris, reçoit la première exposition personnelle, en France, de l’artiste Gene Johnson qui, fort d’une longue et fructueuse carrière sur le continent américain, offre ici un riche aperçu de son travail.

Accompagnée par le commissariat de Marie Deparis-Yafil, l’exposition permet de découvrir, au travers de peintures, de collages-assemblages inédits, spécialement réalisés pour cette exposition parisienne, et d’une série de photographies, l’univers de cet artiste, originaire du New Jersey, que la carrière a mené, depuis les années 80, de New-York à Mexico, en passant par Sao Paulo et maintenant à San Miguel de Allende.

DEGRISEMENTS, Younes Baba-Ali

On reconnaît, d’abord, dans ce travail tourné vers l’abstraction géométrique, qu’il s’agisse de peintures de grands formats, ou de collages aux volumes plus intimes, les croisements fructueux de nombreuses influences, depuis l’art européen du 20e siècle jusqu’à l’École de New-York, les débuts de l’art urbain en passant par le « hard edge » californien et latin. Particulièrement sensible aux couleurs et aux lumières, aux volumes et aux formes, Johnson nourrit aussi en profondeur son œuvre de l’histoire de l’art et de l’architecture sud-américaines, du muralisme mexicain et de l’art concret brésilien, de toutes sortes d’influences latino-américaines, lui qui explore cette partie du monde depuis plus de vingt ans.

 

Indépendante de toute tendance, notamment de la figuration, la peinture de Gene Johnson ne se limite cependant pas à un simple hommage aux histoires de l’art, d’ici ou d’ailleurs. Il émerge résolument quelque chose de libre et de vibrant, d’énergique et d’étonnamment moderne, voire insolent, dans ces champs colorés et texturés, ces effets visuels, dans ces compositions à l’équilibre complexe, sous-tendues par une recherche de maîtrise de la simplicité, toujours exécutées avec force et subtilité. Rien ne l’affirme et pourtant nous le devinons : les espaces géométriques sont composés avec science et conscience, ne disent pas seulement l’adjonction libre de surfaces, atteignent un bel équilibre entre le trop et le trop peu. L’œuvre restitue cette recherche, paradoxale peut-être au premier regard, de « réduction minimaliste » chère à une certaine tradition picturale moderne américaine, elle-même issue de l’histoire de l’art européen.

Cette sorte d’énergie rayonnant de l’œuvre de Johnson provient peut-être de ce qu’elle fait écho, de manière sous-jacente mais dense, à une certaine vision du paysage : ce que l’œil de Johnson aura saisi, happé plutôt, d’un bout de paysage urbain, un mur ici, un escalier là, une cascade d’immeubles, un coin de ciel à l’angle d’un bâtiment. L’inspiration de Gene Johnson puise résolument dans les entrailles de la ville, non dans sa présence massive, mais dans ses bribes, strates, interstices, fragments, dans cette multitude de détails architecturaux et géométriques, où se mêlent le bâti, le construit, l’angle et le hasard.

Dans l’exposition, justement, une sorte de cabinet photographique permet de bien saisir, au travers d’une série de photographies prises par l’artiste, et qu’il n’a jamais montrées, ce qui constitue son « mood board », son atelier mental, sa cartographie personnelle de lieux vus et saisis, ici ou là, dans leur teneur graphique. Ici, d’une certaine façon, pour reprendre l’idée de Merleau-Ponty, on pénètre son « œil », un œil « inhérent au monde », dans la manière précise, non cliché, sensible au détail comme la pièce d’un puzzle qui existe seule et participe au tout, dont il se plonge dans la tumultueuse réalité urbaine, et en particulier celle des villes d’Amérique du Sud, transfigurée dans des œuvres toujours très graphiques à l’énergie intense

DEGRISEMENTS, Younes Baba-Ali

Il faudrait presque commencer par cela, ce petit cabinet de photographies, avant de s’attarder sur ce qui attire l’œil d’abord, cette immense peinture, presque une fresque, que l’artiste a réalisée tout juste pour le mur de la galerie, visible depuis la rue, attirant irrésistiblement par ses formes et ses couleurs. Sous le ciel de Paris, ses bâtiments tout de gris, de beige et de bleu, nous ne sommes pas habitués à ce genre d’explosion, si ce n’est certains artistes de street art qui ont essaimé çà et là dans la capitale quelques pans de géométrie colorée. Il émane quelque chose de simple et puissant, de vivant – peut-être tout simplement ce que Merleau-Ponty rappelle comme plein retour du rapport au monde, la « pulpe du monde », écrit-il – dans ce pan de mur (de monde) revu et corrigé.

Younes Baba-Ali, Objets (dé) sacralisés

Puis, on découvre, dans un accrochage un peu serré, d’autres œuvres de Johnson, des collages, parfois plutôt des assemblages, de matières. On y saisit l’intérêt, la curiosité de l’artiste pour cette « pulpe », car tout ici provient de rebus, de déchets, de choses récupérées çà et là dans la rue. La rue comme atelier, ce n’est pas si nouveau – Buren, Rauschenberg, Basquiat… – mais cela reste toujours l’espace de possibles sans cesse renouvelés. En les observant de plus près, les collages, qui sont davantage des volumes que des aplats, on découvre des auras lumineuses, légères, presque imperceptibles, qui donnent aux œuvres vie et vibration, et rappellent la dimension architecturale qui jamais ne quitte complètement les préoccupations esthétiques de Gene Johnson.

 

L’exposition American influences, loin de l’épuiser, explore néanmoins avec suffisamment de profondeur l’étendue de l’art et de l’œuvre de Gene Johnson, tant dans ses techniques que dans ses approches formelles et ses sources d’inspiration, ouvrant à un univers cosmopolite, vivace, proche et lointain.

 

Marie Deparis-Yafil
Paris, avril 2023

Gene Johnson

Gene Johnson a commencé à peindre et à exposer à New York au milieu des années 80. Il a participé à de nombreuses expositions collectives et individuelles tant aux Etats-Unis, par exemple au musée Hirshhorn du Smithsonian Institute à Washington D.C., au High Museum of Art d’Atlanta ou au Ringling Museum en Floride, qu’en Amérique du Sud, mais aussi au Japon ou en Europe. Il a également enseigné à la Ringling School of Art de Sarasota, en Floride, et à la Parsons School of Art à New York. Ses oeuvres se trouvent dans de nombreuses collections d’entreprise, musées et collections privées partout dans le monde.